Genèse de la série de tableaux AUSSIE FLOWERS. (janvier-fevrier-mars 2018)
AUSTRALIE .
Depuis mon enfance l’Australie m’habite et a jalonné ma vie au travers de liens familiaux, de films marquants.
Maintenant je m’aperçois qu’elle a eu une place particulière en moi car elle symbolisait l’autre bout du monde. Le point le plus éloigné de là où j’habitais et donc le refuge d’une envie, d’un besoin de fuite d’un malaise de vivre que je trainais depuis l’adolescence. Mal être que je commence décrypter que depuis 4-5 ans.
En novembre 2018, j’ai entrepris, seul, un voyage en Australie pour le goûter intensément et pleinement.
Et c’est un véritable craquement sourd, inaudible et imperceptible durant ce mois de découvertes qui s’est opéré en moi. Au retour c’est, en revanche, un réel et tangible changement dans mon mode d’expression artistique qui m’a mis, entre autre, sur le chemin de cette série de tableaux Aussie Flowers.
Cette série est l’illustration désormais présente de la couleur comme support de communication.
STREET ART.
Symbolique de besoin d’identité des bandes, clans rivaux de banlieue qui revendiquent leur territoire à coups de tags. Puis est devenu de plus en plus graphique jusqu’à être reconnu comme étant de l’art. J’aime cette sorte de revanche des exclus sur les nantis et les conservateurs.
Étant né à l’étranger je suis sensible à ce besoin d’appartenance à un groupe, d’autant plus que celui-ci est majoritairement rejeté.
Également J’ai eu envie de relier ou de jouer avec des contrastes de couleurs entre les différents graffitis de façon à créer un fond vibrant, animé et de prime à bord peu lisible puisque fragmenté.
FLEURS (mouvement, transformation) Éclosion.
Je suis fasciné par la surprise qu’opère la nature en faisant apparaître le végétal. D’une tige, d’un rameau rugueux, brun et en apparence inerte éclosent des feuilles et des fleurs. Grâce aux vidéos time-laps on observe que très souvent les fleurs s’ouvrent soudainement après une longue et imperceptible période de maturation. J’ai tenté de représenter cette éclosion soudaine en traitant le cœur comme étant encore un cône avec déjà ses facettes formées puis les grands pétales qui, au travers de leur transformation, expriment le temps passé entre deux étapes, deux vies. On peut imaginer que le cœur à force de s’ouvrir, de s’aplatir et de s’agrandir, ses extrémités en entrant en contact avec l’eau ont déclenché le dépliage soudain et immédiat en accordéon que l’on observe sur les grands pétales. Des prémisses de déchirures apparaissent même sur les plus grandes des fleurs. Leur maturité et aussi leur dégradation future sont ainsi déjà visibles. Leur blancheur est due uniquement à leur formel et poétique discours rendu possible grâce à la lumière. Rien d’autre n’est nécessaire à leur expressivité.
OMBRES.
Alternance de faces éclairés et ombrés. Je suis fasciné par ce que révèle la lumière sur une surface blanche non plane (courbe ou anguleuse). Ces Jeux d’ombres découverts sur les colonnes antiques m’ont permis de prendre conscience que c’est la lumière qui donne du relief aux choses (au sens propre comme au sens figuré). C’est elle qui a le pouvoir de vie ou d’extinction. Elle révèle tout. Les détails, les imperfections ou la beauté, le relief. Pour moi c’est le blanc (ou le noir comme avec Soulages) qui montre ou exploite le mieux ce contraste entre la lumière et l’obscurité, le bien et le mal.
FLEURS DE LOTUS (calme et beauté en surface malgré une eau, qui en profondeur, est sombre, saumâtre et immobile)
J’aime le contraste et la particularité de ces fleurs qui poussent dans l’eau et non pas dans la terre. Elles me touchent car elles sont différentes de la plupart des autres fleurs. Leur feuilles sont plates et toutes dans la même direction (elles dessinent une surface géométrique : un plan). Leur racines sont flottantes, elles peuvent être déplacées au grès de coups de vent. Parfois même l’une d’entre elles se détache et va former un autre groupe ailleurs.
NYMPHÉAS (Monet).
Après coup, je me suis rendu compte que les tableaux de Monet sur les nymphéas m’avaient habités dans cette composition de fleurs flottantes sur des eaux calmes. La quiétude que j’ai ressenti à Giverny ressort dans cette série. Mes tableaux devraient être posés à plat car les fleurs en métal flottent et évoluent sur la surface paisible des Grafitis. La position murale et verticale donne plus d’impact car face au spectateur. On peut imaginer planer au dessus.
FAMILLE puis indépendance.
Les fleurs sont disposés et regroupés par racines initiales (les déchirures des grands pétales sont concentriques et donnent ainsi une indication sur le positionnement de la racine principale sous-marine). Puis quasiment sur chaque tableau, une fleur s’est éloigné de son rameau « parental », comme pour s’en émanciper s’en détacher. La position de sa déchirure de pétale montre de quel groupe elle provient. Cette même déchirure est comme la ligne de remous d’une eau brassée par une hélice et qui dessine la direction que prend la fleur. A chaque fois, c’est un éloignement diamétralement opposé au groupe initial. Je me rend compte que c’est pour moi la seule direction salutaire.
METAL.
Utiliser le métal c’est mettre en jeu ce combat entre la force humaine et la matière qui finissent par s’unir ou s’accepter pour donner une forme. C’est un dialogue commun ou plus exactement un compromis entre deux forces qui se respectent et qui ont finit par s’accepter, s’équilibrer. J’aime travailler le métal, le souder, le découper , le plier. J’ai besoin de m’opposer à sa résistance, à sa difficulté de transformation.
DOUBLE JEU DE LECTURE .
Le premier jeu de lecture est celui qui embrasse totalement l’œuvre (vision macroscopique). Je donne là le message principal et général. Grâce aux couleurs vives et aux rythmes de tags, j’ai exprimé l’immense joie ressentie durant ce voyage en Australie. Pour chaque tableau jai joué avec 2 ou 3 photos de graffitis en les jumelant, les entremêlant en fonction de leur couleur et graphisme. Très fréquemment j’ai retouché les contrastes et dominantes chromatiques ainsi que le cadrage de sorte à générer parfois des liens formels entre les graphisme comme si au-delà de leur séparations ils se retrouvaient, dialoguaient ensembles.
Par ailleurs avec le pointillisme ou l’hyperréalisme, j’aime scruter de très près une œuvre pour y voir la trace manuelle de l’artiste (comme si j’établissais un lien direct entre lui et moi) et également un message qui s’adresse à ceux qui ont eu un engagement physique de rapprochement vis à vis de l’œuvre. Cette lecture microscopique est comme une récompense à celui qui se plonge dans l’œuvre jusqu’à n’en plus percevoir les limites physiques. Le long des lignes de construction et de séparation entre les visuels issus du street art, J’ai écrit mes réflexions et mes sentiments en fonction de ce que m’évoquaient les intersections et interconnexions, les couleurs en jeux sur chaque tableau.
TECHNIQUE
Les photos de Grafitis sont toutes issues des fameux « lane » de Melbourne qui sont des dédales de ruelles entièrement taguées. J’ai ensuite sélectionné les Grafitis qui étaient les plus graphiques et dont les couleurs me parlaient. A l’aide d’une application je les ai retouchés, découpés et redimensionnés puis imbriqués entre eux. La composition finale a été appliquée par tirage digigraphique sur Epson photo RC 260g (Contrecollage sur plaque aluminium pré-laquée 1,5 mm).
Sortir du cadre
Dégager une perspective
Changer de point de vue
Voilà 3 thèmes qui me touchent au plus profond et depuis la plus petite enfance, alors je les décline au sens propre pour que le sens figuré apparaisse…
Souvent une rencontre, un mot, une émotion m’inspirent. Toujours avec l’envie de bousculer, de changer l’ordre établi, je dessine, peins et sculpte. Je sors mon carnet, j’esquisse, je griffonne, je rebondis, j’enrichis puis quand cette énergie créative déborde, j’attaque la réalisation. Alors je trace, je coupe, je modèle, je soude, je polis pour un œuvre pleine de ces flots d’énergies, de formes, de mystère et de beauté.
Anamorphoses
Tourner autour du sens,
Voir les choses sous un angle,
Puis bouger et…
Voir autre chose en regardant
La même chose.
Un tout n’est qu’une composante de multiples diffractions.
Tout vol en éclat, là, comme en suspension pendant que le sens nous traverse.
Tout est question de point de vue